Marie Bonaparte a participé d'une façon tout à fait personnelle, à la question de la sexualité féminine. Elle nous donne en effet, de par les problèmes sexuels qu'elle a tenté toute sa vie de résoudre, une approche vivante et inattendue de la question de la frigidité.
Marie avait entendu parler du Professeur Halban, lui aussi de Vienne, qui pratiquait des interventions chirurgicales pour guérir ses patientes de leur absence de plaisir orgasmique. Il rapprochait, dans ce but, le clitoris du méat urinaire. Elle devint une enthousiaste propagandiste de cette méthode avant de devenir celle, non moins enthousiaste, de la psychanalyse. Elle ne put en tout cas que reconnaître l'échec total de cette méthode chirurgicale en ce qui la concernait.
Des années après tirant partie de tout ce qu'elle a appris de son analyse, elle a donc abordé la question du complexe de castration féminin, en étant au reste extrêmement fidèle au texte freudien, dans un livre qui a pour titre " Sexualité de la femme " (paru en 10/18, 1977).
Concernant le débat sur la phase phallique de la petite fille, Marie Bonaparte reste strictement dans la ligne freudienne, elle reprend tous les arguments de Freud, concernant le changement d'objet, l'abandon nécessaire de la mère pour se tourner vers le père, l'abandon de l'activité pour la passivité et donc l'abandon de la masturbation phallique (clitoridienne) qui marquent la spécificité du destin féminin.
Mais le passage de cet ouvrage de Marie Bonaparte qui m'a paru le plus intéressant est ce qu'elle décrit le rapport sexuel comme " Un combat de deux mâles " quand les femmes n'ont pas abandonné leur activité phallique et sont restées, comme elle les nomme " clitoridiennes " et non pas " vaginales " :
" … l'accouplement de ces femmes-là avec un homme garde toujours plus ou moins quelque chose d'un combat. Le coït d'une femme clitoridienne avec un homme est, en effet comparable au combat de deux hommes où le plus faible est vaincu, pénétré, transpercé, et où seul le vainqueur remporte le trophée de l'orgasme dans le retour à lui seul dévolu, " au corps maternel ". Il semble que ces accouplements-là nous offre le reflet, le vestige conservé jusqu'à nos temps évolués de cette lutte primitive au domaine biologique entre le mâle et la femelle, postulée par Ferenczi, pour le retour nostalgique au corps maternel, lutte de laquelle la femme est sortie vaincue ". C’est en effet la preuve, ce combat sexuel avec l’homme vécu comme un objet rival, que la mère comme objet d’amour n’a pas en effet été abandonné. Cela nous permet de conjuguer cette approche de Marie Bonaparte à celle de Lacan.
Pour Lacan, en effet la frigidité peut être levée dans l’analyse, car elle est à un défaut de ce qu'il appelle " castration symbolique ", c'est-à-dire ce en quoi l'enfant, fille ou garçon a dû renoncer à être l'objet comblant de la mère. " La frigidité, pour étendue qu'en soit l'empire, et presque générique, si on tient compte de sa forme transitoire, suppose toute la structure inconsciente qui détermine la névrose, même si elle apparaît hors de la trame des symptômes. Ce qui rend compte d'une part de son inaccessibilité à tout traitement somatique - d'autre part à l'échec ordinaire des bons offices du partenaire le plus souhaité. Seule, l'analyse la mobilise, parfois incidemment, mais toujours dans un transfert qui ne saurait être contenu dans la dialectique infantilisante de la frustration, voire de la privation, mais bien tel qu'il mette en jeu la castration symbolique. " ( Propos directifs pour un congrès sur la sexualité féminine).
L’expérience clinique de Marie Bonaparte sert d’exemple à son propos.
J'ai créé, il y a maintenant longtemps, dans les années 2000, un
des premiers sites de psychanalyse. Je l'ai appelé " Le goût de la
psychanalyse".
( https://www.le-gout-de-la-psychanalyse.fr/ )