
Dans ce nouvel épisode Radio Marc Bloch donne la parole à Mahaut Ritz, docteur en philosophie et chercheuse associée au Centre Marc Bloch à l’occasion de la publication en janvier 2025 de son livre issu de sa thèse de doctorat : Repenser la précarité : de la flexibilité à la dépossession (Éditions Otrante, La Fresnaie-Fayel).
La publication de ce travail, rédigé au Centre Marc Bloch, était l’occasion de faire se réunir deux anciennes doctorantes associées au CMB. Claire Tomasella, sociologue et aujourd’hui maîtresse de conférences à l’Université d’Aix-Marseille, revient avec Mahaut Ritz sur son ouvrage et sur la manière dont il articule et fait dialoguer la philosophie et les sciences sociales afin de revisiter la notion de précarité comme notion sociologique, politique et critique en France.
Comment une philosophe aborde-t-elle une notion aussi éminemment sociologique que celle de précarité ? Quel intérêt représente l’exploration approfondie des agencements conceptuels sur lesquels reposent les outils diagnostiques utilisés par les sciences sociales ?
Mahaut Ritz revient sur la sociogenèse de la « précarité » apparue en France dans les années 1970 face à l’essor de nouvelles formes d’emploi dites « précaires ». Le contexte discursif de la fin des années 2000 et du début des années 2010, qui a vu naître le projet de recherche à l’origine de Repenser la précarité, renferme ses propres enjeux. Il hérite de plus de quarante ans de recherches et de tentatives critiques, devenues entre-temps internationales, qui ont cherché à saisir le problème de la qualité de l’emploi, du déficit de la protection sociale et de l’instabilité des conditions sociales d’existence. Or, l’emploi prolifique de ce concept servant à décrire des réalités précaires multiformes, dont les degrés de précarité peuvent parfois être très éloignés les uns des autres, remet en question son efficacité analytique et critique, bien qu’il continue de servir à décrire des situations et des transformations demeurées non seulement actuelles, mais aussi urgentes.
Les deux chercheuses parcourent dans cet épisode l’argument qui, au regard de cet enjeu critique et social, amène Mahaut Ritz à reconsidérer la précarité au prisme de la dépossession et de la marchandisation des rapports sociaux.
L’étude des sens historiques et critiques de la précarité invite finalement à se demander quel sens et quelle efficacité renferme l’emploi de la « précarité » aujourd’hui.
Un grand merci à Juliette Depreux pour son aide précieuse dans la finalisation de cette épisode. Bonne écoute !
Pour aller plus loin :
Sarah Abdelnour, Moi, petite entreprise. Les auto-entrepreneurs, de l’utopie à la réalité, Paris, PUF, 2017.
Daniel Bensaïd, Les dépossédés : Karl Marx, les voleurs de bois et le droit des pauvres, Paris, La Fabrique, 2007.
Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard, 1995.
Patrick Cingolani, La colonisation du quotidien. Dans les laboratoires du capitalisme de plateforme, Paris, Éditions Amsterdam, 2021.
Mahaut Ritz, « La “précarité” au prisme de l’exclusion. Un schème dépolitisant ? », Émulations. Revue de sciences sociales, n° 28, 2018.
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