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Il te venait de ton arrière-grand-mère. Elle, tu l’affectionnais beaucoup. Tu l’appelais Auela. C’est par ce mot qu’elle se désignait. Tu pensais que c’était son nom. Et puis un jour tu t’es souvenu, comme s’il s’agissait du genre de choses que l’on peut oublier, qu’elle ne parlait pas français. Tu compris alors que la fois où elle s’était montrée du doigt, elle avait dit « Abuela ». « A », « BUE », « LA ». Mais le B ce n’était pas vraiment ton truc, ni le R d’ailleurs. Dans ta bouche, le mot « abricot » devait sans doute prendre des intonations japonaises. Ton arrière-grand-mère fut donc affublée du nom d’Auela. Tu ne l’as jamais changé. Plus tard, lorsqu’elle apprit ses premiers mots de français, elle te demanda de l’appeler « la copine ». Elle te fixait de ses yeux bruns cernés de bleu et répétait lentement « LA CO-PINE ». Tu l’aimais beaucoup. Mais tu ne l’as jamais changé, son nom. Tu ne le pouvais pas. Tu ne l’aurais plus aimée aussi fort. Bien après sa mort, tu appris qu’elle s’appelait Modesta. Tu te souviens de ses cheveux très blancs, de son poncho tricoté, des parties de domino, de son chien noir, de la pendule qui sonnait des chants d’oiseau. Tu ne savais rien d’elle, mais il lui arrivait de te défendre devant tes parents, ça, tu t’en souviens. C’était la copine. C’était Auela. Et il te venait d’elle.


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