
On connait bien René Daumal, Roger Gilbert-Lecomte, Roger Vailland, on connait moins Pierre Minet, André Delons, Hendrik Cramer, Monny de Boully, André Gaillard, Claude Sernet… Pourtant, tout, de près ou de loin, ont participé à la plus grande aventure métaphysique de la littérature française que fut Le Grand Jeu, cette revue d’avant-garde qui connut trois numéros entre 1928 et 1930.
Ils étaient quatre lycéens à l’origine, quatre phrères simplistes comme ils aimaient à appeler leur groupe : Gilbert-Lecomte, Daumal, Vailland mais aussi Robert Meyrat. Le premier, au regard bleu astral tourné vers l’intérieur, était Coco de Colchyde ou Rog Jarl, le second, sorte de bonze venu de Chine ancienne, Nathaniel, le troisième, timide, apeuré, frêle, François, le quatrième, inquiétant, absolu, Le Stryge…
Ensemble ils ont composé de la poésie et tenté une aventure intégrale jusqu’aux confins de la conscience, à la recherche d’une vérité prénatale qui aurait peut-être sauvé leur innocence. Mais pour parvenir vers cet au-delà qui est autant un en-deçà, il fallait succomber à tout : alcool et drogue, même les plus dangereuses. C’est ainsi qu’on devient un ange aux ailes trop lourdes.
Le 1er mai 1925, lors de la manifestation des travailleurs à Reims, où ils vivent tous, Gilbert-Lecomte et Daumal remarquent un adolescent blondinet plus jeune qu’eux qui ennuie les ouvriers en scandant des slogans de l’Action Française. Ils tombent sous le charme, vont l’accoster. Ils viennent de rencontrer celui par lequel Le Grand Jeu verra le jour, leur cinquième phrère, fifi, le phrère fluet, c’est-à-dire, Pierre Minet.
Cet épisode est le premier d’une série consacrée au Grand Jeu, à ses héros des abîmes, ses œuvres inachevées, ses sacrifiés et ses repentis car « Le grand jeu est irrémédiable ; il ne se joue qu’une fois. Nous voulons le jouer à tous les instants de notre vie. C’est encore à « qui perde gagne ». Car il s’agit de se perdre. »
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