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Pour répondre aux enjeux climatiques, les industries doivent devenir sobres. Mais qu’est-ce que cela signifie exactement ? Nous avons posé la question à nos invités Sarah Thiriot, sociologue à l’Ademe et Sam Allier, chargé de projet au Shift Project. Voici leurs réponses. 


Qu’est-ce que la sobriété ? [1:45 - 8:43]

La sobriété, selon l’Ademe, est une approche qui consiste à se questionner sur ses besoins et à les satisfaire en limitant leur impact sur leur environnement. Cette sobriété engendre ainsi un changement de mode de production et de consommation. Du côté des industries, la “sobriété énergétique” consiste à rendre plus efficiente la production, en clair, moins énergivore. Mais pour Sarah Thiriot, l’efficience à elle seule ne suffira pas à faire face aux défis environnementaux. “La sobriété énergétique permet en partie de respecter les accords sur la décarbonation mais également de faire face à des contraintes physiques d’approvisionnement” explique Sam Allier.

La neutralité carbone [8:51 - 14:36]

Plusieurs chemins peuvent mener à la neutralité carbone. L’Ademe en propose quatre, construits sur les scénarios du GIEC et adaptés à la France. Ces quatre scénarios enclenchent plus ou moins les leviers de sobriété, d’efficacité et de décarbonation. Avec ces scénarios, “nous montrons que différents champs des possibles sont atteignables à long terme pour atteindre la neutralité carbone en 2050 (...) en offrant des visions contrastées sur le contexte économique, le déploiement dans les territoires ainsi que sur les modes de gouvernance” explique Sarah Thiriot.

Décarboner l’industrie française sans la saborder [14:39 - 22:33]

Le Shift Project part du constat que “l’industrie représente 20 % des émissions de gaz à effet de serre, dont 75 % par l’industrie lourde” déclare Sam Allier. Pour la décarboner, “un levier est de continuer d’améliorer les procédés" et un autre "de développer les ruptures technologiques". “La sobriété ne va pas s’appliquer de la même façon à tous les secteurs” affirme Sarah Thiriot. Des activités trop polluantes devront cesser, d’autres devront s'adapter et des infrastructures transformées. Et de nouveaux secteurs naîtront.

Et l’ingénieur ? [22:42 - 26:08]

L’ingénieur peut être acteur de la transformation des secteurs industriels. Il peut faire preuve de sobriété en refusant de travailler pour certains secteurs, propose Sam Allier. Ses compétences pourraient orienter le système vers une direction compatible aux enjeux écologiques. “C’est la désertion que l’on commence à observer et qui constitue un nouveau rapport de force avec les industriels qui n’ont pas de plan ambitieux pour la planète” indique l’expert. Dans des secteurs passion mais polluants, les ingénieurs peuvent se questionner sur la réorientation des activités ou en travaillant sur les ruptures technologiques.

Quid du progrès technique ? [26:15 - 29:25]

La sobriété signerait-elle le glas du progrès technique ? Sarah Thiriot observe cet “imaginaire un peu apocalyptique” derrière cette thèse. Il ne s’agit pas de bannir le progrès technique ou l’innovation, poursuit-elle. Les développements techniques seront d’une nature différente, en fonction des choix industriels, économiques mais également de société. "Moins mais mieux", conclue-t-elle.

Ressources pour aller plus loin :

Le sixième rapport du GIEC, publié en novembre 2022

Le Rapport Transition(s) 2050 : Quatre scénarios pour atteindre la neutralité carbone en 2050

Le rapport du Shift Project : Décarboner l’industrie sans la saborder

Le sociologue Antoine Bouzin : “Crise écologique : ces élèves ingénieurs qui veulent transformer leur métier”

AgroParisTech : quand de futurs ingénieurs racontent leur “conversion écologique” 

Cogitons Sciences est un podcast produit par Techniques de l’Ingénieur. Cet épisode a été réalisé par Séverine Fontaine, en collaboration avec Marie-Caroline Loriquet. Le générique a été réalisé par Pierre Ginon et le visuel du podcast a été créé par Camille Van Belle.