Qu’est-ce qui pousse les ingénieurs français à partir ? Pourquoi choisissent-ils travailler à l’étranger ? Et est-ce qu’ils envisagent de revenir un jour ?
Réponses avec Lucile Zenou, ingénieure biomédicale résidant au Canada depuis 2014 et présidente de l'association Francogénie, et Marion, ingénieure en Espagne où elle travaille depuis 16 ans.
Entre le groupe français et la filiale catalane, des cultures de travail différentes [1:31 - 6:23]
Pour s’installer en Espagne, deux possibilités se présentaient à Marion : signer un contrat local ou opter pour l’expatriation. Marion a choisi la première option, idéale pour les salariés qui souhaitent s’établir dans un pays étranger. Et bien que l’ingénieure n’ait pas changé d’entreprise, cette mutation lui fait découvrir une culture de travail bien différente. “Oui, j’avais les codes de l’entreprise, j’avais la culture de l’entreprise… mais cette petite structure était beaucoup plus rapide, beaucoup plus agile, nous pouvions créer nos postes, nous étions beaucoup plus autonomes, et nous avions beaucoup plus d’informations de toute la structure puisque nous travaillons moins en silo, détaille Marion. C’était une expérience très différente de ce que j’avais vécu à Paris.”
Pour les employeurs québécois, la priorité est aux compétences [6:25 - 13:51]
Après un premier court séjour au Canada, Lucile Zenou y est repartie en 2014, cette fois-ci à la recherche d’un travail. Et bien qu’elle n’ait pas fait d’école d’ingénieur, Lucile Zenou occupe aujourd’hui des fonctions d’ingénieur, dans le secteur du biomédical, sans pour autant avoir le statut ou le titre d’ingénieure. En effet, elle a repris ses études au Canada et a obtenu un master en génie biomédical. “J’ai quitté la France car j’avais beaucoup de mal à y trouver un emploi, nous explique-t-elle. Mon domaine (chimie des matériaux, nanomatériaux et nanotechnologies, NDLR) était trop spécialisé et je n’avais pas les diplômes des écoles d’ingénieurs. Mais une fois au Québec, on ne me demandait pas forcément mes diplômes, on ne me demandait pas de quelle école je venais. C’était vraiment par rapport à mes compétences.”
Un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée [13:53 - 28:15]
Lucile Zenou et Marion s’accordent sur un point : elles parviennent mieux à concilier vie professionnelle et vie privée. Que ce soit grâce aux différents accommodements mis en place par l'État, au Québec, ou grâce aux multiples évolutions positives qui se sont opérées très vite en Espagne au fil des années. D’autres points peuvent sembler un peu moins attractifs, comme l’expliquent nos deux interlocutrices ; mais si à première vue ils peuvent paraître comme des défauts, ils sont assez complexes pour être “contrebalancés” par des avantages indissociables.
Revenir en France n’est pas à l’ordre du jour [28:16 - 38:25]
Ni Marion ni Lucile Zenou ne se voient revenir de sitôt en France ! Pour Lucile Zenou : “La seule chose qui pourrait me pousser à rentrer en France serait ma famille, et la possibilité d’être auprès de ma famille. Surtout dans les circonstances actuelles (la pandémie de Covid-19, NDLR), c’est vraiment une préoccupation quand on est loin.” Quant à Marion : “Comme Lucile, ce n’est pas dans mes plans. Car d’abord j’aurai du mal à quitter cette qualité de vie. Ensuite, professionnellement, je me suis établie ici et j’aurai du mal à me réadapter en France. Cette zone grise, cette flexibilité qu’on a en Espagne, j’aurai du mal à la perdre.”
Références citées :
Enquête IESF
Au Québec, l'accommodement raisonnable
Ressources pour aller plus loin :
L’immigration au Canada (site gouvernemental)
Le livre “Ainsi parlent les français”
Le film “L’Auberge espagnole”
Le film “Ocho apellidos vascos”
Cogitons Sciences est produit par Techniques de l’Ingénieur. L'épisode a été réalisé par Intissar El Hajj Mohamed, avec Alexandra Vépierre. Le générique a été créé par Pierre Ginon ; le visuel, par Camille Van Belle.